Ce mardi 7 novembre je participerai à la Journée d’études organisée par le Laboratoire musique de l’Unité de recherche « Arts : pratiques et poétiques » Université Rennes 2, sous la responsabilité de Joseph Delaplace et Kevin Gohon.
Cette première journée du programme “Peut-on encore parler de « matériau musical » au XXIe siècle” portera sur la sujet suivant : Matériau, matière, matérialité : autour de l’instrument de musique (voir plus bas un résumé de la proposition)
« Composer l’instrument : matériau et dispositifs musicaux »
Proposition de communication pour la journée Matériau, matière, matérialité : autour de l’instrument de musique du 7 novembre 2023 — Laboratoire musique de l’Unité de recherche « Arts : pratiques et poétiques », Université Rennes 2
Penser la catégorie de matériau dans le contexte musical actuel, profondément transformé par les évolutions technologiques des dernières décennies, ne peut se faire, selon nous, sans questionner la notion de dispositif — composer une œuvre consiste à fabriquer un dispositif, pourrions-nous dire en paraphrasant Lachenmann[1]. En effet, si l’on définit le matériau musical comme étant ce avec quoi on compose, ce qui permet d’effectuer des opérations, de faire œuvre (d’opérer), il faut alors s’intéresser au fonctionnement de ces assemblages originaux d’objets, instruments, interfaces, environnements logiciels, haut-parleurs, ces différents éléments qui, agencés de façon singulière, caractérisent nombre d’œuvres nouvelles. Les dispositifs représentent les nouvelles modalités de l’instrument de musique (on parle à leur égard de « nouvelles lutheries ») tout en offrant une multiplicité de supports d’écriture — du geste, du son, de l’espace.
Partant des caractéristiques de ces objets techniques et de leurs interactions, nous examinerons les « données abstraites à systématiser en stratégie[2] » qu’ils induisent et qui conditionnent le nécessaire rapport dialectique entre forme et matériau accompagnant tout processus compositionnel. Autrement dit, c’est à travers la notion de dispositif que nous tenterons saisir, de scruter, les lieux où s’exercent des nouvelles formes de rationalité musicale par lesquelles se concrétise une œuvre[3]. Ces formes de rationalité s’expriment à travers les notions de transduction, de mapping, de bloc fonctionnel ou patch, de crible, de flux, de paramètre, de diagramme, d’objet-espace[4]… Autant de notions décrivant aussi les moyens par lesquels sont mis en relation les objets et des techniques qui, de fait, assument les fonctions organologiques caractéristiques de l’instrument de musique — excitateur, vibrateur, résonateur.
D’une certaine façon, le dispositif dévoile la réalité technique du faire musical, la matérialise en quelque sorte, et se donne simultanément à percevoir comme étant le résultat d’un travail d’écriture.
[1] « Composer veut dire : construire un instrument », Lachenmann Helmut, « De la composition (1986) », in Écrits et entretiens, Genève, Contrechamps, 2009, p. 134.
[2] Duchez, Marie-Élisabeth, « L’évolution scientifique de la notion de matériau musical », in Le Timbre : métaphore pour la composition, Paris, Christian Bourgois, 1991, p. 78‑79.
[3] Weber Max, Sociologie de la musique : les fondements rationnels et sociaux de la musique, Paris, Métailié, 1998, p. 21‑22. La préface à l’édition française de Jean Molino et Emmanuel Pedler synthétise bien la question. Voir aussi Dufourt Hugues, Mathesis et subjectivité : des conditions historiques de possibilité de la musique occidentale, Paris, MF, 2007.
[4] Ces notions, avec d’autres, sont traitées en détail dans Carinola, Vincent-Raphaël, Composition, technologies et nouveaux agencements des catégories musicales, Saint-Etienne, Presses Universitaires de Saint-Étienne, 2022. Sur la relation entre matériau et nouvelles technologies voir par exemple Delalande François, « Le paradigme électroacoustique », in Nattiez Jean-Jacques (dir.), Musiques : une encyclopédie pour le XXIe siècle, vol. I, Arles, Actes Sud, 2003. Sur la notion de « hors-temps », fondamentale pour la définition de la catégorie de matériau musical, voir par exemple « La voie de la recherche et de la question », in Xenakis Iannis, Kéleütha : écrits, Paris, L’Arche, 1994. Enfin, un ouvrage essentiel pour penser l’articulation entre la technique et l’esthétique, au cœur de laquelle nous situons la conception du matériau : Simondon Gilbert, Du mode d’existence des objets techniques, Paris, Aubier, 1958.