21 mai 2024 — Dijon, MSH — Nouvelles lutheries : déterminisme instrumental et contingence des dispositifs — Communication

Le 21 mai je participerai à la journée d’études organisée par Alexandre Ayrault et Philippe Gonin (Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche “Sociétés, Sensibilités, Soin” et l’Université de Bourgogne) intitulée Enjeux et usages de l’organologie. Voir ici pour le programme complet de la journée et toutes les informations utiles : 

http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/manifestations/23_24/24_05_21.html

Voici une présentation du sujet de ma communication :

« Nouvelles lutheries : déterminisme instrumental et contingence des dispositifs »

Proposition de communication pour la journée Enjeux et usages de l’organologie du 21 mai 2024 organisée par Alexandre Ayrault et Philippe Gonin – Laboratoire LIR3S, Université de Bourgogne

Le jeu instrumental traditionnel participe d’un processus que l’on peut décomposer, en le simplifiant, de la manière suivante : le.la musicien.ne applique une force sur l’instrument qui réagit, suivant l’élasticité propre à sa nature physique, en transformant l’énergie qui lui est appliquée en vibrations se propageant dans un milieu, lui aussi élastique. Ce processus de transformation d’une énergie de type mécanique en phénomène acoustique est régi par les lois de la physique des solides ou des fluides. Entre le geste de l’instrumentiste, les matériaux avec lesquels est fabriqué l’instrument, la collection des sons qu’il est en mesure de produire et la façon dont ils rayonnent dans l’espace il existe une cohérence et une interdépendance qui déterminent le jeu et, plus globalement, le régime de fonctionnement de l’instrument acoustique.

De façon différente, les lutheries électroacoustiques et numériques se caractérisent par le fait que cette chaîne causale qui relie l’action du musicien, les sons produits et leur rayonnement spatial change de nature, elle n’obéit plus à des lois déterministes mais dépend d’agencements contingents de divers objets techniques (capteurs de gestes, appareils de synthèse, haut-parleurs, etc.) qui donnent lieu aux configurations singulières caractérisant nombre de productions actuelles.

Pour comprendre la nature de ces instruments devenus ainsi dispositifs il convient, d’une part, d’observer la façon dont les différents objets techniques qui les composent se comportent comme des « organes » assumant des fonctions traditionnellement étudiées par l’organologie : les fonctions d’excitateur, de vibrateur et de résonateur. D’autre part, il convient également de faire appel à des notions et des techniques qui décrivent la mise en relation de ces composantes : la transduction, la modulation, le mapping, le bloc fonctionnel ou l’image spatiale en sont des exemples, qui traduisent les opérations à l’œuvre dans ces agencements instrumentaux nouveaux.

Aussi, l’observation des éléments constitutifs des dispositifs/instruments, de leurs fonctions et des principes permettant leur mise en relation, contribue à dissiper un malentendu qui consiste à confondre une partie (une fonction, un « organe ») avec le tout (l’instrument/dispositif), ce qui est le cas, par exemple, lorsque l’organologie considère les interfaces MIDI ou l’ordinateur.

Par ailleurs, la nature contingente de ces nouveaux instruments, ainsi que le degré d’automaticité qui les caractérisent, modifient en profondeur la pratique des compositeur.rice.s, interprètes ou improvisateur.rice.s. À tel point qu’il peut être difficile de distinguer l’instrument de l’œuvre musicale elle-même — qu’elle se manifeste sous la forme d’une composition, d’une performance ou d’une installation. Il est par conséquent difficile de penser l’instrument/dispositif, son mode d’existence, détaché du contexte esthétique où il opère.